You know how I feel {PV Anthony}

Un coup d’œil sur sa montre lui suffit à remarquer qu’elle était d’ores et déjà en retard. Quelle idiote, elle n’aurait jamais dû traîner en faisant les magasins avec Bella. Mais cela faisait tellement longtemps qu’elles ne s’étaient pas prises une journée rien qu’entre filles qu’elle en avait profité. Une belle journée en compagnie de sa meilleure amie, simplement pour se changer un peu les idées et se décontracter. D’ailleurs, avec tout ce qui arrivait en ce moment en ville, elle en avait bien besoin. Cependant, une fois rentrée, elle avait dû aller prendre une douche à la confrérie, sachant que la moitié des personnes y étaient déjà passées et qu’il n’y avait plus d’eau chaude. Pauvre petite blondinette qu’elle était. Mais finalement, elle avait passé cette très dure épreuve comme une grande et s’était rendue dans sa chambre, tentant de trouver une tenue correcte pour la soirée qui s’annonçait. Ce qui ne prit pas beaucoup de temps. À vrai dire, ça ne prenait jamais beaucoup de temps avec la belle irlandaise, malgré tout, elle était parvenue à se mettre en retard. Attrapant son sac en vitesse, elle sortit enfin de la chambre ainsi que du bâtiment et avança d’un pas pressé dans la rue. Du moins, aussi vite qu’elle le pouvait malgré les talons qu’elle avait décidé de porter ce soir-là avec ses jeans et un débardeur très sobre, de couleur noire. Pressant le pas, elle resserra son blouson à cause d’une légère brise et arriva finalement devant le « Blue Ghost » où une longue file d’attente s’agitait à l’entrée. Soupirant, Tara fit donc la queue et arriva enfin à l’intérieur, déjà bondé de monde et où la mélodie d’un groupe de la région qu’elle ne connaissait pas se faisait entendre. À vrai dire, si elle était là, c’était avant tout parce que ce concert était le seul événement du week-end, qu’elle avait besoin de sortir, et surtout, qu’ils avaient décidé avec Anthony de s’y rendre ensemble. Seulement, sachant qu’elle arriverait en retard, Tara lui avait dit de s’y rendre sans elle et ainsi, elle le rejoindrait plus tard dans la soirée. Sauf que dans cette foule, il était difficile de retrouver une personne. La salle était peut-être vaste, mais elle se remplissait facilement. Et ce, surtout d’étudiants.

Après avoir laissé son blouson au vestiaire, Tara partit donc à la recherche de son bel italien. C’était en quelque sorte une véritable bouffée d’air frais après tous les évènements qui s’étaient déroulés récemment. D’ailleurs, il était très rare qu’elle arrive à penser à autre chose, car les morts des deux présidents de confrérie l’avaient beaucoup affectée, d’autant plus qu’elle était très proche d’eux. Mais elle avait de la chance. Avec lui, elle pouvait totalement se laisser aller. Se vider la tête et simplement penser au moment présent. Elle tentait d’ailleurs de profiter de chaque moment avec lui, se laissait complètement guider par ses émotions, ce qu’elle n’avait jamais fait avec quiconque. D’ordinaire, elle préférait cacher ses émotions afin de ne pas baisser sa garde ou de s’attacher. Mais elle avait décidé de changer. Elle avait décidé qu’il était tant de grandir un peu. Et elle tentait enfin sa chance avec lui, choses qu’elle n’aurait jamais fait avant cette escapade dans les bois. Finalement, peut-être cela avait-il eu des effets bénéfiques sur la jolie blond. En tout cas, il n’était plus question de faire marche arrière. Désormais, elle était bien, et elle ferait en sorte que cela dure aussi longtemps que possible.
Perdue dans la foule qui s’amassait vers la scène, son regard tentait de déceler un visage qu’elle reconnaissait, mais impossible de trouver celui qu’elle cherchait. Le groupe avait déjà commencé à jouer, un morceau plutôt rapide et motivant. Les lumières qui l’éclairaient passaient parfois également dans le public. Finalement, elle avança un peu plus, bousculée par de nombreuses personnes. Il fallait dire que malgré ses talons, sa taille n’était toujours pas très conséquente, et peu faisaient attention à elle. Mais finalement, un sourire illumina son visage lorsqu’elle trouva enfin celui qu’elle cherchait. Pour le moment, il lui tournait le dos, discutant avec des personnes qu’il connaissait. Tara se fraya tant bien que mal un chemin jusqu’à lui. Et lorsqu’elle arriva à sa hauteur, elle enserra sa taille avec ses bras et déposa un baiser dans le creux de la nuque. Avant de lui glisser à l’oreille :

« J’espère que je t’ai pas trop fait attendre. »

Tara resta ainsi quelques instants, la tête appuyée sur son épaule, adressant un sourire aux amis du jeune homme qui ne tardèrent pas à lui souhaiter une bonne soirée et à les laisser entre eux. Néanmoins, la blondinette ne bougea toujours pas. Simplement parce qu’elle était bien ainsi et qu’elle se laissait transporter par son odeur. Qu’elle profitait de l’avoir contre lui, comme s’il risquait de glisser de ses doigts. Elle avait mis trop de temps à se rendre compte qu’elle ne pouvait se passer de sa présence, elle n’était pas prête à ce que tout s’arrête. Alors chaque moment était privilégié. Elle en profitait, y goûtait comme à un dessert tant attendu. Comme à un événement pour lequel on a longtemps patienté et qui enfin se présente. En clair, elle savourait désormais chaque instant passé en sa compagnie, consciente du fait qu’il était le premier pour lequel elle se laissait complètement aller et pour lequel elle soit prête à prendre le risque d’aimer.
Finalement, au bout de quelques secondes, elle finit par ajouter :

« Et si on allait se chercher quelque chose à boire ? Je meurs de soif. »

Et enfin, elle relâcha son étreinte, un mince sourire sur ses lèvres.

Les bras passés autour de sa taille, la jolie blonde s’enivrait totalement de l’odeur de son bel italien. Comme dans un songe, comme si elle était une autre. Comme si tout cela n’était pas réel et qu’elle allait bientôt se réveiller, faire face à la réalité. Car il n’y avait que dans un rêve qu’une telle chose pouvait arriver, n’est-ce pas ? Il n’y avait que dans un rêve que Tara O’Collins se serait laissée aller à se point dans les bras d’un garçon. Il n’y aurait que là qu’elle aurait enfin baissé sa garde pour quelqu’un qui comptait réellement. Néanmoins, tout cela était bel et bien réel. Aucune illusion, aucun faux semblant. Tout était là, palpable, sous ses doigts fins. Les mains d’Anthony étaient venues se poser sur le siennes, dans une douce caresse tandis qu’il avait un sursaut de surprise. Mais une fois celle-ci passée, il ne parut pas mécontent de voir qu’elle l’avait finalement rejoint. Au sens propre comme au figuré. Car elle en avait mis du temps à venir à lui. Elle s’était longtemps fait attendre, avant de venir déposer ce baiser au creux de sa nuque. Acte qui paraissait désormais à la limite du naturel. Malgré tout, Tara ne pouvait s’empêcher d’avoir du mal à y croire. Comme si quelque chose clochait, bien que tout était parfait. Comme un mirage qui prenait vie sous ses yeux ébahis. À vrai dire, sans vouloir se l’avouer, elle avait toujours souhaité qu’une telle situation se réalise. Et maintenant que c’était le cas, elle avait peur que tout ça ne soit pas vraiment réel, qu’on lui reprenne ce qu’on lui avait donné. Et que maintenant qu’elle se jetait à l’eau, il se passe quelque chose de terrible. Ce doute, cette incertitude qui l’habitait. Elle avait beaucoup de mal à la chasser de son esprit. Mais après tout, il s’agissait d’Anthony. Il l’aimait. Il l’avait aimée depuis le début. Pourquoi se passerait-il quoique ce soit de mauvais, ce soir ou un autre ? Et ainsi, elle tentait de se rassurer. Afin de ne penser qu’au moment présent. Au moment passé avec lui, rien que pour lui. Parce que désormais, il lui était difficile de ne plus penser à lui. De ne pas céder à ses envies de l’avoir contre elle.

Arrivée auprès de lui, un sourire apparut sur ses lèvres. Effectivement, elle savait se faire désirer. Peut-être plus qu’il ne l’aurait fallu. Mais au moins, ils étaient là, tous les deux. Une fois que les amis du beau brun se furent éclipsés, Tara tenta de l’emmener avec elle jusqu’au bar, histoire de prendre un verre, mais elle eut la surprise de le voir la retenir. À sa remarque, elle se mordit la lèvre et le laissa s’approcher. Ses lèvres contre les siennes, leurs souffles entremêlés. Les yeux fermés, Tara était à nouveau emportée très loin. Et comme à chaque fois qu’ils échangeaient un baiser, son cœur cognait plus fort contre sa poitrine. Une sensation qu’il était le seul à lui faire ressentir. Et ce, depuis toujours. Chaque baiser était comme le premier. Aussi beau, aussi tendre. Tout contre lui, elle ne voulait déjà plus le lâcher. Elle voulait qu’il la fasse sienne dès à présent, et pour un long, très long moment. Ils s’étaient quittés depuis quelques heures à peine, mais elle avait l’impression que cela faisait des jours. Et la douceur de ses mains sur son visage, ses lèvres chaudes et douces sur les siennes. Tout la faisait se sentir bien, en confiance.

Et puis le baiser se termina. Mais elle resta là, ses lèvres proches de son visage. Ses mains accrochés à sa taille, aux pans de sa chemise. Les yeux posés sur les siens. Un sourire étirant sa bouche. Pour un peu, elle aurait presque oublié la musique incessante qui résonnait dans la salle. Les conversations tonitruantes des étudiants. Leur présence même. Mais la réalité les rattrapait toujours. Inévitable. Parfois cruelle. Bien que là, l’ambiance était plutôt à la fête. Fête, amusement, boissons. Beaucoup de musique et de fumée également. Et malgré tout, Tara n’y faisait pas vraiment attention.

« Et maintenant ? Tu penses que ça suffira pour survivre encore quelques heures ? »

L’amusement perçait dans le ton de sa voix. Mais il fallait avouer qu’elle n’était pas mécontente de cet instant privilégié entre les deux. Aussi, elle rapprocha à nouveau son visage du sien. Leurs lèvres se frôlèrent à nouveau, avec douceur, en un très bref instant. Puis elle recula et demanda :

« Alors, on va se chercher à boire cette fois ? »

Sa main agrippa son poignet et déjà, elle se tournait, ses pas les menant vers le bar. Mais ce simple mouvement était difficile à réaliser. De nombreuses personnes se retrouvaient sur son chemin, bousculant, bloquant le passage. Et Tara avait à peine fait quelques pas que plusieurs choses s’enchaînèrent. D’abord cette impression de froid. De froid intense qui l’envahit, pénétrant dans chaque parcelle de sa peau. Compressant sa poitrine. Cette impression de malaise s’insinuait peu à peu en elle tandis que, comme dans un arrêt sur image, tout paraissait obscur, inquiétant autour d’elle. Autour d’eux. Les lumières avaient semblé s’éteindre au-dessus de leurs têtes, la musique avait semblé s’assourdir quelques instants. Puis tout avait repris son cours. La musique, les gens autour d’elle, la chaleur ambiante. Tout était normal. Tout paraissait normal. Mais le malaise était encore présent. Tara s’était arrêtée, observant d’un regard inquiet ce qui se trouvait autour d’elle. Apparemment, cet instant avait été extrêmement bref, mais elle était sûre de l’avoir ressenti. Quelque chose n’allait pas, elle en était persuadée. Ou tout du moins, quelque chose allait se passer. Elle s’était alors tournée vers Anthony, apparemment surprise qu’elle n’avance plus.

« Tu…t’as senti ça aussi ? »

Le regard heureux et souriant avait laissé place à un visage totalement décomposé, inquiet, troublé. Devenait-elle folle ? Pourquoi tout le monde faisait-il comme si de rien n’était ? Un frisson parcourut son échine et sa main se resserra sur le poignet d’Anthony.

La soirée s’annonçait prometteuse, tout bonnement délicieuse. Après tout, elle la passait dans un lieu qu’elle adorait, où elle venait souvent voir des concerts de groupes en tout genre. Il n’y avait rien de mieux pour se mettre dans l’ambiance et faire la fête. Et en plus de ça, elle passait sa véritable première soirée en amoureux. Rien qu’elle et lui, et les centaines d’autres étudiants qui les entouraient. Elle se serait giflée autrefois d’avoir des pensées d’apparence aussi niaises. Mais peu lui importait à présent. Elle se sentait réellement bien et c’était tout ce qui comptait. Sa présence, ses caresses, ses baisers. Il lui arrivait parfois de se rappeler cette soirée où tout avait changé entre eux. Cette fête où elle regrettait tant s’être laissée aller. Mais finalement, avec du recul, tout s’était parfaitement bien passé. Et elle était tombée sur la bonne personne, à n’en pas douter. Si la réalité était un conte de fée, il aurait été son prince charmant. Bravant toutes les difficultés afin de sauver la princesse et d’obtenir ses faveurs. Il lui avait fallu tant de patience. Beaucoup auraient laissé tomber depuis longtemps. Tara s’était tant acharnée à se voiler la face, à fuir la réalité. N’importe qui aurait renoncé à vouloir lui ouvrir les yeux. Mais pas lui. Pas Anthony. Quoi qu’il arrive, il avait été présent. Un ami de très grande importance, restant correct et surtout loyal en toute circonstance. Alors que la blondinette l’avait blessé à de nombreuses reprises. De façon cruelle, sadique, inconsciente. Elle s’en voulait énormément, il ne pouvait pas savoir à quel point. Dans sa tête, il était clair qu’elle ne le méritait pas. Et de loin. Mais elle ferait tout désormais pour le rendre heureux. Autant qu’il la rendait heureuse par sa simple présence. Par sa façon d’être avec elle.

À peine était-elle arrivée vers lui qu’elle se sentait bien. Et sachant que ça l’embêterait, elle lui demandait d’aller se déshydrater. Évidemment qu’elle mourait d’envie de l’embrasser, de rester au creux de ses bras. Mais Tara était comme ça. Elle avait sa façon à elle de montrer son attachement aux gens. Elle en avait une autre de leur montrer qu’elle les aimait. C’est-à-dire ne pas le montrer. Désormais les choses étaient différentes. Tara se montrait légèrement différente. Mais elle n’en restait pas moins extrêmement liée à son beau brun. Et tandis qu’ils tentaient d’avancer parmi la foule, il lança une remarque qui la fit sourire. Si elle devait revoir ses priorités ? Oh, elle les connaissait. Et elle était persuadée que lui aussi. Mais encore une fois, elle avait envie de l’agacer.

« Mes priorités sont très bien comme elles sont. Si j’meurs de soif, j’peux pas t’embrasser. Logique. »

Elle tourna la tête pour lui adresser un sourire amusé puis continua à avancer, jusqu’à ce cet instant étrange où tout avait paru s’arrêter autour d’elle. Quelques secondes qui avaient suffi à la figer sur place. Avait-elle rêvé ? Qu’est-ce que c’était ? Et pourquoi était-elle apparemment la seule à l’avoir ressenti ? Après sa question, Anthony s’était rapproché d’elle, mais elle était trop préoccupée pour l’avoir remarqué. Sa main enserrait encore son poignet et ses yeux parcouraient la sale. Son pouls battait un peu plus vite qu’à la normale. Peut-être s’inquiétait-elle à nouveau pour rien. Après tout, elle était l’une des premières à avoir cru à cette légende. Elle avait été l’une des rares à avoir dit que c’était une très mauvaise idée d’aller se balader en forêt. Et malgré tout, elle y était allée. Cette expédition l’avait marquée. Elle avait vu le corps inanimé de Danaé. Se rappelait du voyage de retour, alors que certains la portaient, recouverte d’un couverture terreuse et mangées par les mites. Elle se souvenait de la disparition d’Aogan et également de ceux qui avaient été blessés. Certains mêmes avaient été à deux doigts de subir le même sort. Combien de fois avait-elle remercié le ciel de ne pas avoir été coincée dans cette grotte obscure, elle qui n’était pas croyante. Ce qui était plutôt paradoxal en l’occurrence. Ne pas croire en Dieu mais aux fantômes ? En tous les cas, ces souvenirs étaient encore bien trop vifs dans la mémoire de la blondinette pour que cette sensation ne lui procure pas de réels frissons d’angoisse. Mais après quelques secondes, voyant que tout semblait aller pour le mieux, elle se détendit. Un mince sourire vint même s’afficher sur ses lèvres tandis qu’elle levait les yeux vers Anthony.

« Oui…oui c’est ça, un courant d’air. Ils doivent avoir laissé les portes d’entrée ouvertes. »

Tara n’y croyait qu’à moitié, mais elle préférait s’en convaincre. Qu’une présence idiote vienne gâcher sa soirée ? Il n’en était pas question. Elle en profiterait jusqu’au bout, quoi qu’il arrive. Et c’est pourquoi elle entraînait déjà son bel italien vers le bar où elle leur commanda deux bières. Et en attendant qu’elles arrivent, elle se rapprocha un peu plus de lui et entremêla ses doigts dans les siens. Les yeux fixés sur le comptoir, elle était songeuse. À présent, elle ne pouvait s’empêcher de repenser à tout ce qui était arrivé depuis leur séjour en forêt. Et tout cette histoire l’angoissait véritablement.

« Tu crois que…qu’ils vont attraper ceux qui ont fait ça à Danae ? »

Sa voix était hésitant, son regard perdu dans le vide. Tout le monde était au courant que le police recherchait les fautifs, les criminels comme ils disaient. Ceux qui s’amusaient à effrayer les habitant en mettant le feu à des immeubles ou en provoquant des accidents un peu partout en ville. Mais Tara n’était pas certaine que tout ce remue-ménage serve véritablement à grand chose. Y’avait-il seulement des fautifs dans l’histoire, en dehors d’eux-mêmes ?
Mais elle fut interrompue dans ces réflexions par le barman qui leur ramenait leurs boissons. Elle prit la sienne, consciente qu’elle avait vraiment besoin de se changer les idées, puis en but quelques longues gorgées, sans pour autant lâcher la main d’Anthony.