SCENARIO COLLECTIF NO.5 ; Que justice soit faite

La nuit était noire, sans Lune. Tout alentour était sombre. Les rues étaient désertes. Mornes à en crever. Une brise glaciale parcourut le trottoir envahi de mégots de cigarettes. Une de ces brises d’automnes qui annonce l’hiver. Saison aussi glacée que l’était l’ambiance dans la ville. Même un samedi soir. Et ce n’était pas le genre de soirées recommandés pour sortir seul. Et pourtant, c’est ce que la jeune blondinette avait fait. Cheveux relevés, lèvres aguicheuses, yeux soulignés d’un noir d’encre, elle marchait d’un pas rapide dans des rues sans nom. Des rues vidées de toute présence. Mais rien de tout cela ne l’affectait. Les boissons qu’on lui avait payées tout à l’heure à l’Euphoria lui étaient déjà montées à la tête. Si elle en avait bu beaucoup ? Elle avait arrêté le compte. L’engouement avait été au rendez-vous, le surplus d’alcool. Et ce, sans qu’elle n’ait à dépenser beaucoup. Elle s’était enivrée, sans raison apparente, simplement parce qu’elle s’était laissée emporter par la fête. Par l’euphorie du moment. Son regard d’azur se posa alors sur l’entrée d’un bar. Par la vitre, elle crut reconnaître sa meilleure amie, assise à une table. Sans se poser plus de questions, elle s’avança directement jusqu’à l’entrée et poussa la porte. Une bouffée de chaleur et de fumée l’envahit soudain et elle pénétra dans cette atmosphère confinée, enfiévrée. De nombreux regards avides s’étaient posés sur elle. Des regards qui laissaient aisément deviner les pensées malsaines que leurs propriétaires tentaient de dissimuler. Sur ses jambes qu’on voyait se dessiner sous un jean taille basse. Sur sa poitrine timidement dévoilée par un top de couleur blanche. Sur son visage, désormais tourné vers une silhouette qui s’avançait en titubant. D’une démarche assurée, féline. Probablement plus menaçante qu’elle ne le pensait. Ses lèvres s’étirèrent dans un sourire sardonique. Elle observait la jeune femme s’avancer. Elle l’observait d’un air hautain qui cachait totalement sa culpabilité. Tara l’avait vendue, Tara l’avait dénoncée sans le moindre scrupule. Et elle avait alors appris des choses qui l’avaient amenées à revoir son jugement. Bien qu’elle détestait toujours autant Violet. Pour son arrogance et son assurance déplacées. Elle la détestait, juste parce qu’elle était elle. Et c’était une chose qui ne s’expliquait pas.

La belle irlandaise avança d’un pas sûr. Violet voulait l’affronter de face ? Elle n’allait pas reculer. Au contraire elle allait même faciliter la tâche à cette imbécile incapable de se déplacer jusqu’à elle. Son regard était à la fois supérieur et rieur. Elle se demandait bien ce que la brunette avait à lui dire. Mais celle-ci se contenta d’un rire franc qui fit tourner la tête à de nombreuses personnes présentes. Tous étaient curieux. Tous étaient perplexes ? Qu’avaient donc ces deux jeunes femmes ? Un affrontement allait-il s’en suivre ? Tout était possible. Car Tara n’allait pas la laisser parler sans répliquer. Elle était d’humeur joueuse, voire mesquine. Et Violet en ferait les frais, comme d’habitude.

« Et c’est moi qui suis pathétique ? Alors que tu tiens à peine debout ? Franchement, regarde-toi Violet, tu me ferais presque mal au cœur. Mais c’est bien là le hic, presque. »

Réplique sèche. Amusant pour celle qui la prononçait. Tara n’était pas une personne franchement cruelle en général. Rares étaient les personnes à qui elle n’hésitait pas à assener des coups bas. Et la brunette en faisait partie. Cette pathétique jeune femme qui ne lui inspirait que répulsion depuis toujours. Et c’était réciproque. La joute verbale se poursuivit. Très peu de temps. Car les prénoms d’Enzo et Liam furent vite prononcés. Il était étonnant de voir quelle image avaient les gens de l’amitié entre Tara et Enzo. Beaucoup pensaient qu’il avait pris la pauvre petite sans défense sous son aile, alors qu’elle faisait son possible pour le sortir de tout mauvais pas. Mais apparemment, elle passait toujours pour la petite blonde incapable de s’en sortir par elle-même. Ce qui n’était pas forcément le cas. Et puis tout s’enchaîna. Violet fut soudain hors de tout contrôle. Du sien comme de celui des personnes présentes aux alentours. Son poing était parti tout seul, atterrissant douloureusement sur l’œil de l’irlandaise qui ne riait plus désormais. Une montée d’adrénaline l’envahit, infiltrant chaque parcelle de son corps. Et elle rendit le coup. Chacune répliquant autant que possible, tirant les cheveux de l’autre. Puis, sous l’effet des coups ou de l’alcool. Voire des deux. Violet tourna de l’œil sans même que Tara ne le remarque. Elle enserrait toujours la chevelure de la brunette dans sa main tandis que deux bras fins mais puissants tentaient de lui faire lâcher prise. Puis d’autres mains plus fortes s’agrippèrent à elle sans crier gare et l’entraînèrent à l’extérieur du bar. Celles de son collègue s’étaient occupées de Violet ainsi que de la jeune fille qui avait tenté de les séparer. Seulement, la blondinette ne s’était pas calmée, loin de là. Elle était en colère désormais. La soirée s’annonçait bien, et voilà que tout était gâché par sa faute. De toute manière, elle n’était bonne qu’à ça. La tête lui tournait. L’alcool n’était plus pour grand chose. Probablement le coup qu’elle avait reçu en pleine tête. Et au fur et à mesure que le temps passait, elle sentait son œil la brûler. Douloureux pour sa tête et pour sa fierté. Et elle évitait de porter son regard sur le corps inerte de la brunette, de peur de se jeter à nouveau sur elle.

Après quelques minutes de route à l’arrière d’un véhicule policier, ils arrivèrent devant le poste, apparemment presque désert à cette heure, si ce n’est les officiers de garde durant la nuit. Ils emmenèrent les jeunes femmes à l’intérieur et les avertit qu’elles allient passé la nuit dans l’établissement. Tara poussa un soupir mais ne fit aucun commentaire, pénétrant dans la cellule sans mot dire. Mais qui donc avait eu l’idée stupide d’appeler les flics ? Tout ça pour quelques baffes échangées, il ne fallait pas en faire tout un plat. Finalement, assise dans un coin de la pièce, la blondinette jeta un regard à la jeune femme qui avait été embraquée avec elles dans cette histoire. Il s’agissait de Kayleigh. La pauvre, elle tentait simplement d’aider. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle donnait un coup de main à la jeune irlandaise. Et voilà comment elle était remerciée. Cependant, Tara n’avait pas la tête à fondre en excuses. Elle tourna le regard vers Violet qui paraissait endormie sur un banc de l’autre côté de la pièce qu’elles occupaient.

« Dire que je me retrouve dans cette merde à cause d'elle... »
« Je ne comprends pas pourquoi vous étiez en train de vous battre quand je suis arrivée, Tara, ça ne te ressemble pas.. »

Tara n’avait toujours pas décoléré. Et voir Violet émerger de son apathie ne l’aida pas plus. Surtout lorsque celle-ci prit la parole. La jolie blonde serra les poings, tentant de se calmer. Ce qui ne l’empêcha pas de répondre d’une voix sèche :

« On est en garde-à-vue, et tout ça parce que t’es pas capable de garder ton sang-froid. Alors tu serais gentille de baisser d’un ton. »

Avant de détourner la tête à nouveau, Tara remarqua que la lèvre de la brunette avait un peu enflé, ce qui la fit rire intérieurement. Au moins quelque chose qui lui remontait un peu le moral, car l’hématome de son œil la lançait douloureusement et elle n’était pas prête à lui pardonner la soirée minable qu’elle passerait désormais par sa faute.