« the magnificent . »

« Je suis une petite conne, une sale petite conne qui se la pète du haut de ses dix-neuf ans et de ses millions. Mon optique ? Emmerder le monde, vous compris. »




Le soleil illumine ma peau comme il illuminerait celle d'une déesse, mon teint rosé de pré-adolescente et mon entrain à l'idée de voir aujourd'hui encore l'homme qui anime la moindre de mes pensées m'enivre. Je suis jeune, si jeune, et lui si beau. Il est celui que j’ai attendu toute mon enfance, ce sale amour salace qui me fait goûter à ne serait-ce qu’une once de bonheur. Je suis belle, je le sais, dotée d’une beauté si majestueuse que peu osent me regarder en face. Vous me respectez tous pour mes traits, mon charisme, mon caractère si spécial qui s’affirme de jour en jour. Je suis l’incarnation des sept péchés capitaux, je provoque la colère et l’envie à la fois, je suis une pétasse de classe, de luxe, toute la grâce du monde, je la porte sur mon épaule, un lourd fardeau duquel je m’acquitte avec légèreté, car je suis née pour ça. Je gouverne un monde de jouissances et d’excès, d’abus incontrôlés, j’aime être admirée c’est un fait, mais j’ai surtout pitié de vous, sans aucune exception, car je suis la seule à titiller la perfection de la sorte. Personne n’est parfait ? Mais détaillez-moi une seconde. Une seule note de ma voix peut illuminer votre cœur, un seul instant passé en ma compagnie vous ravie pour une semaine. Vous ne vous rendez pas compte à quel point je suis une drogue, une addiction. Et le pire, c’est que je déteste ça. Vous me portez un amour inconditionnel, que je ne peux vous rendre, simplement parce que vous êtes indignes d’être dans mes faveurs. Ma fine personne ne sera émue que par un Dieu à l’état pur, moi, déesse de la beauté. J’ai trouvé un homme proche de cette même perfection, et il me rejoint à l’instant. Son regard balaye mon corps avec une attirance certaine, malgré mon jeune âge je suis déjà formée, et il sait que par-dessus tout il pourrait céder à la tentation en moins d’une seconde. Néanmoins, il se contient, et c’est ce qui le différencie, ce qui vaux la peine que je lui accorde ma grâce. Il a le droit de me toucher, de déposer un baiser sur ma joue ; je sens qu’il le fait avec prudence, un seul faux-pas et il crève d’envie. Mes yeux resplendissants se posent sur sa fine bouche, et je lui étire un sourire chatoyant, à mi-chemin entre le paradis et l’enfer. Il m’emmène, loin, là où personne ne peut nous voir. Il a pris ce qu’il faut, je le vois dans ses pupilles, il est partagé entre remords et culpabilité de dévergonder une fille telle que moi, mais au fond de son âme il sait que je suis déjà pourrie, alors à quoi bon lutter contre l’enfer lui-même ? Autant m’accompagner dans ces flammes de l’éternité. Nous arrivons aux limites de la forêt, mais je m’élance sans ralentir, je n’ai jamais eu peur de rien, même pas de cette légende stupide dont tout le monde parlait. Une légende n’était rien à côté de ma personne. A peine quelques secondes après avoir franchi les premiers arbres, je tends avec une élégance nonchalante ma pâle main vers mon seul ami, pour m’emparer d’une bouteille dont le goulot saute rapidement. Tout en marchant, je commence à boire, lentement, le liquide âcre coulant dans ma gorge, signe d’un bien réparateur immense, le seul moment de la journée où je me dis que la vie vaut la peine d’être vécue par une divinité telle que moi. Lui, à côté, imite mes gestes à la perfection, avec le même charisme qui lui est unique. Si j’avais été une personne normale, je crois qu’il aurait été le premier et le seul que j’aurai admiré. Là, je me contentais juste de traîner avec lui, comme les jeunes de mon âge. Cependant, le qualificatif d’ « ami » ne sortirait pas de ma bouche, nous n’étions juste que deux âmes ayant goûté au fruit défendu, se lassant des autres, cherchant un tant soit peu d’amusement dans ce monde d’ennui.


Enzo, voilà son premier prénom. Gillian, son deuxième. Et enfin Stevenson, son nom. Je ne connais que ça de lui, et ça me suffit amplement. Lui ne connaît rien sur moi. Nos seuls mots échangés n’ont été que des formalités. Pourtant, pourtant, je ressens du plaisir à le voir. Mon cœur s’accélère parfois, et si j’avais regardé étant plus jeune toutes ces comédies romantiques, j’aurai alors su que j’étais totalement amoureuse de lui. Seulement, à l’époque je ne le sais pas, et je continues de jouer innocemment avec ses sentiments. Je commence à le connaître, il me désire et c’est réciproque, nous jouons ensemble, ivres, parmi le mystère de la forêt. Enfin, ses mains touchent mes hanches, puis ma taille, pour finir sur mes joues rieuses et d’une beauté ravageuse. Nos yeux sont plongés les uns dans les autres, cet instant paraît magique, j’ai envie de lui donner un autre baiser, mais cette fois sur la bouche, alors j’avance mes lèvres issues de la perfection vers les siennes, les frôle avec une envie non-dissimulée, puis me recule, me libère de son emprise en riant aux éclats. Je suis saoule, je lève ma tête vers le ciel et crie. Je crie aux dieux que leur progéniture se porte bien, que la majesté qui lui a été accordée n’aurait été mieux portée. J’exalte, jeune enfant que je suis, j’exalte d’une ivresse sans merci, lui aussi rit, je me jette sur lui, il tombe en arrière lourdement. Cette fois je suis décidée à l’embrasser, je m’approche avec lenteur et… je ne saurais plus vous dire ce qu’il se passe à ce moment-là. uc

Je me réveille simplement quelques heures plus tard, sur une route déserte rase-campagne. Mes habits, ses vêtements, ils sont tâchés d’un sang impur. Enzo est à côté de moi, ahuri, il s’est passé quelque chose mais ni lui ni moi ne savons quoi. J’ai l’impression d’être souillée, je me débarrasse de ces fripes pourries et me retrouve en brassière. J’en veux, j’en veux à tout le monde d’avoir brisé ce moment intemporel, je dois me défouler sur quelqu’un et le seul à ma portée est mon compagnon de beuverie.

ROSE . « Enzo, bordel, qu’est-ce qu’on fout là ?


U.C