And the collision of your kiss that made it so hard ▬ Tara

Allongée sur l’un des nombreux canapés de la salle commune des Kappa Gamma, une jeune blondinette fixait le plafond d’un air absent, incapable de se décider à faire quoi que ce soit. Réviser ? Non, hors de question, elle n’avait absolument pas la tête à ça. Préparer la prochaine fête de la confrérie ? Et puis quoi encore ? Elle se demandait bien qui était encore d’humeur à faire la fête. Aller retrouver l’un de ses camarades pour taper la causette ? Non, elle n’avait pas envie de parler. Et encore moins des récents évènements. Cela faisait à peine une semaine qu’ils étaient de retour en ville, et Tara n’était pas prête d’oublier tout ce qui s’était passé. Elle ressassait continuellement ces images lugubres de feux de camps et d’ombres étranges masquées par les arbres qui les entouraient. Et inutile de dire que tous ces incidents lui donnaient froid dans le dos. Avaient-ils réellement réveillé ce qui dormait dans ces bois ? Y avait-il véritablement des esprits qui rôdaient et qui leur en voulait ? Elle était sceptique, mais elle était sur place, elle avait vu ce qui était arrivé. Et elle avait beau ne pas être superstitieuse, elle n’en était pas moins inquiète des évènements prochains.
Levant les yeux, elle remarqua les allées et venues de ses camarades de la confrérie. Beaucoup marchaient tête baissée. Certains se murmuraient des paroles incompréhensibles. L’ambiance était mortelle depuis qu’ils étaient revenus. Il y régnait un calme et un silence de mort. Un silence de deuil. Peu s’étaient remis de la mort des deux présidents de confréries. Et pour cause, ils étaient proches de tout le monde. Aogan était une grande perte pour les Kappa Gamma. Un président que tout le monde affectionnait. Et désormais, la confrérie paraissait vide. Trop calme.

Tara poussa un soupir et se releva d’un bond. Elle monta dans sa chambre et attrapa un bouquin au passage. N’importe lequel ferait l’affaire. Elle avait besoin de se changer les idées et surtout de changer d’air. Elle dévala alors les escaliers sans faire attention aux gens qu’elle croisait et sortit d’un pas pressé en enfilant son blouson. Une fois dehors, le vent d’automne lui ébouriffa les cheveux. Ses pas la guidèrent alors d’eux-même à travers la ville silencieuse. Rares étaient ceux qui sortaient seuls désormais, c’est pourquoi elle ne croisa pas beaucoup de monde, si ce n’est pas groupe de minimum deux ou trois personnes. Et finalement, elle arriva au parc de Greenville. Une immense étendue de verdure où quelques familles prenaient un peu de bon temps avec leurs enfants. Tara esquissa un sourire et tenta de trouver un coin tranquille où elle pourrait lire le livre qu’elle avait pris avec elle. Enfin, elle s’installa sur un banc, et c’est au son des rires d’enfants qu’elle entama les premières pages.

Presque une heure plus tard, cependant, elle eut la surprise d’être rejointe par une personne qu’elle ne pensait pas revoir avant longtemps. Une jeune femme qu’elle ne pouvait plus tellement regarder dans les yeux depuis une certaine soirée. Si elle regrettait d’avoir « dérapé » ? Oui, bien entendu. Elle n’avait pas vraiment honte, là n’était pas la question. Ou du moins si peu. Elle regrettait simplement d’avoir franchi le pas avec une amie proche, et ce, à cause d’un défi stupide et de quelques verres de trop. De très nombreux verres de trop. Et elle n’était pas prête d’oublier cette nuit-là. Non seulement parce que cette expérience avait été – à son grand étonnement – peu déplaisante. Mais également parce que Faith se réjouissait de la lui rappeler dans cesse. Cette même Faith qui se retrouva soudain à ses côtés en train de lire sur son épaule. La blondinette n’eut pas le temps de faire le moindre commentaire qu’un étudiant de l’université, qui passait devant elles par pur hasard, posa une question de plus stupides. La réaction de la brunette à ses côtés ne se fit pas attendre. Elle prit Tara dans ses bras et lui adressa une réponse pleine de sous-entendus. Tout d’abord surprise et grandement agacée, la jeune irlandaise finit par afficher un sourire et ajouta à son tour :

- « Oui, t’imagines pas à quel point on était proches toutes les deux ! Du coup, j’aimerais beaucoup profiter de nos retrouvailles. Alors si tu pouvais aller faire un tour Mark, tu s’rais un amour. »

Elle lui adressa un clin d’œil plein de sous-entendus et attendit qu’il s’en aille sans demander son reste. Faith voulait jouer à ce petit jeu ? Elles pouvaient être deux. Tant de rumeurs circulaient sur Tara, qu’une de plus ou une de moins ne changerait en rien la donne. Et que la majorité d’entre elles soient vraies ou pas, elle s’en fichait également. Elle n’était plus à ça près. Une fois que Mark se fut éloigné, la jeune irlandaise retira le bras de la brunette sans plus de cérémonie et fit mine de retourner à sa lecture. Cependant, elle ne recommença pas à lire, c’était juste pour lui faire comprendre qu’elle était de trop. Non pas que Tara n’aimait pas Faith. Au contraire, elle était – avait été – une excellente amie. Mais cette soirée l’avait rendue extrêmement mal à l’aise face à celle-ci. Pourquoi devait-elle toujours relever les défis qu’on lui lançait ? Et pourquoi avait-elle bu à ne plus pouvoir avoir une once de réflexion ? Elle avait toujours su que son amie avait parfois des relations avec d’autres femmes, cependant, elle ne s’était jamais, véritablement jamais, imaginé en faire l’expérience. Ce que Faith aimait lui rappeler dès qu’elle en avait l’occasion. Heureusement pour Tara, elle ne l’avait jamais crié sur tous les toits, et elle pouvait lui en être reconnaissante pour ça. Cependant, elle était totalement exaspérante à ressasser sans cesse cette nuit enflammée.

- « T’as quelques chose de particulier à m’dire ou pas ? Parce que, comme tu peux le voir, j’suis un peu occupée là. »

Tara n’avait pas relevé les yeux de son bouquin pour lui adresser la parole d’une voix plutôt sèche, mais elle était consciente de la présence de la brunette qui n’était probablement pas prête à s’en aller de si tôt.

Malgré tout ce qu’elle pouvait en penser, Tara n’en voulait absolument pas à Faith. Après tout, dans ce genre de situations, il fallait être deux, il n’y avait donc pas qu’un coupable. C’était elle qui avait trop bu. Elle qui était bien trop fière pour se défiler lorsqu’on la défiait. Et elle qui avait accepté d’aller plus loin. Si la blondinette en voulait à son amie, c’était simplement par orgueil. Parce qu’elle lui rappelait cette soirée, et ce, même si elle ne venait pas sur le sujet. C’était stupide, certes, mais après tout, Tara était comme ça. Elle avait tendance à faire des histoires pour des broutilles, et en l’occurrence, cette histoire prenait des proportions démesurées. Après tout, peut-être que plus tard, elle rirait de cette soirée, ne prenant que le bon côté et préférant voir ça comme une expérience. Mais pour le moment, elle le regrettait. Peut-être aussi parce que c’était la première fois qu’elle franchissait le pas avec un proche – tout sexe confondu – depuis sa première fois avec Anthony. Sauf qu’on ne pouvait pas vraiment comparer les deux évènements. Tout d’abord parce qu’ils s’étaient passés à plusieurs années d’intervalles et parce que Faith était une amie, pas une personne pour la quelle elle ressentait des sentiments plus profonds. Malgré tout, elle regrettait qu’un tel acte ait pu modifier leur relation, surtout par sa faute. Elle regrettait d’ailleurs d’être celle qui gâchait toujours tout. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’elle esquivait quelqu’un après un événement dont elle avait honte, qu’elle regrettait ou qui pouvait la montrer plus fragile qu’elle ne voulait le paraître. D’ailleurs, c’était toujours elle qui réagissait ainsi. À croire qu’elle ne changerait jamais. Mais les évènements qui s’étaient déroulés dans la forêt avaient prouvé le contraire. Après tout, ne s’était-elle pas montré plus courageuse que d’ordinaire en faisant face à certaines peurs qu’elle n’aurait jamais pensé affronter. Ou du moins pas en plein cœur des bois. Cela lui paraissait insensé, et pourtant, c’était réel. Une cinquantaine d’étudiants perdus dans la forêt, chacun faisant face à ses craintes, à ses angoisses.

À présent qu’ils étaient rentrés, cependant, les peurs ne s’étaient pas envolées. Et il fallait encore leur faire face, Tara en était consciente. Mais elle ne pouvait pas changer du jour au lendemain, elle qui avait toujours eu l’habitude de fuir. Alors lorsque Faith reprit la parole pour répondre à sa remarque cinglante, la blondinette ne réagit pas, faisant mine d’être absorbée par son bouquin. Malgré tout, elle écoutait attentivement les paroles de son amie. Celle-ci disait qu’elle avait aimé cette nuit, qu’elle ne s’excuserait pas. Ce qui était naturel, puisque ce n’était pas sa faute. D’ailleurs, Tara ne pouvait nier avoir passé une superbe nuit avec elle. Et ce, même s’il lui était difficile de l’admettre pour le moment. Ce qui était sûr, c’est que Faith n’avait pas tort lorsqu’elle lui disait qu’elle était la seule à ne pas pouvoir oublier. Mais elle n’y pouvait rien, chaque fois que la brunette était dans les parages, elle repensait à cette nuit qu’elles avaient passé ensemble. Et ce n’était pas faute d’avoir essayé de ne plus y penser. Les yeux rivés sur la même ligne depuis tout à l’heure, Tara ne releva toujours pas la tête. Mieux valait la laisser aller jusqu’au bout car elle ne savait pas quoi répondre. D’ailleurs, elle ne mit pas longtemps avant de reprendre la parole. Ses paroles la touchèrent lorsqu’elle dit que leur amitié aurait dû être au-dessus de toute cette histoire. Et elle avait raison. Tara regrettait d’être aussi stupide et de gâcher une telle amitié pour une nuit qu’elles avaient passé ensemble. Et lorsque Faith se releva, elle la suivit des yeux, levant enfin la tête de son bouquin dont elle n’avait plus lu une ligne depuis que son amie était arrivée. Son regard croisa le sien et, quand elle dit qu’elle ne savait faire qu’agacer les autres, Tara ne put réprimer un sourire en coin. Oui, Faith était très douée dans ce domaine. Elle se souvenait encore de tous ces après-midi, de toutes ces soirées passées ensemble à faire tout et n’importe quoi. Où son amie ne cessait de la chercher gentiment et qu’elle en riaient ensemble. La blondinette poussa un soupir et reposa son livre sur le banc, auprès d’elle. Sans relever le regard, elle prit la parole.

- « J’attends pas des excuses de ta part Faith, c’est pas ta faute. Pas du tout. C’est juste que… »

Tara se tut soudain, ne sachant pas vraiment ce qu’elle allait dire. Finalement, elle leva les yeux vers Faith et se leva également pour se trouver face à elle.

- « Écoute, t’as raison, c’est moi qu’arrive pas à oublier. Mais j’y peux rien ! C’était…c’était la première fois que je passais la nuit avec…une amie proche. »

Sa voix était devenue plus basse à mesure qu’elle parlait, afin que les autres idiots universitaires du genre de Mark ne l’entendent pas. Se passant une main derrière la nuque, elle ajouta :

- « J’m’en veux d’avoir gâché notre amitié pour ça mais…tu peux pas m’en vouloir d’avoir du mal à oublier. Et j’en suis désolée, parce que tes conneries me manquent. Même si c’est la seule chose que tu sais faire. »

Elle avait dit sa dernière phrase sur un ton ironique, affichant un sourire amusé. Après tout, il était peut-être temps de passer à autre chose, d’autant plus que c’était la première fois depuis cette soirée qu’elles se reparlaient normalement, franchement. Et du temps avait passé. Des semaines, voire un ou deux mois. Et puis il y avait eu cette histoire d’expédition dans la forêt qui avait remis beaucoup de choses en question dans la tête de notre blondinette. Évidemment, ça ne l’empêcherait pas d’y songer encore en sa compagnie, et si personne d’autre ne l’apprenait, cela ne la dérangeait pas du tout. Malgré tout, Faith avait toujours été une très bonne amie et elle regrettait de ne plus la voir aussi souvent que d’habitude.